dimanche 26 décembre 2010

Entretien avec Laure MEZARIGUE


1°) Un premier roman est la découverte d’un style et d’une auteure. Comment te présenterais-tu en quelques mots ?



Je suis un auteur humoristique. C’est très difficile de faire rire, mais pour moi c’est la voie la plus noble pour atteindre le cœur des gens. Le comique est souvent minimisé et décrédibilisé en raison de la forme employée pour véhiculer des messages, mais je ne connais pas de moyen plus désarmant et plus fort pour toucher quelqu’un. Les messages d’humour sont souvent des messages d’amour d’ailleurs, à mes yeux. L’une des modalités humoristiques que je travaille le plus consiste à faire naître le rire de situations de contraste. D’ailleurs, celui qui maîtrise cela, a tout compris à mon sens. Les frères Astier, par exemple, exploitent parfaitement ce mécanisme dans des séries comme « Kaamelott » ou « Hero Corp » : un super héros qui fait des bulles de savon en guise d’attaques, c’est juste énorme. Sinon, j’aime bien frapper le lecteur au moment où il s’y attend le moins, c’est mon côté sniper. Le rire doit être franc, généreux. Le lecteur doit se marrer à s’en décrocher la mâchoire, sinon, on passe à côté. Le meilleur test, c’est lorsque je me relis et que je ris moi-même de ce que j’ai écrit. Là, je sais que j’ai atteint mon but. Et lorsque je parviens au fou-rire, sous le regard souvent médusé de mon entourage, alors, je sais que j’ai gagné.



2°) Quelles sont tes références littéraires ? As-tu des grands auteurs en tête ?



J’aime beaucoup Carlos Ruiz Zafon, je trouve que « L’Ombre du vent » est l’un des meilleurs romans qu’il m’ait été donné de lire ces dix dernières années. Sinon, je lis beaucoup de romans policiers. Dennis Lehane n’est jamais très loin de ma table de chevet et, dernièrement, j’ai découvert Jesse Kellerman : la construction narrative et la fin de son roman « Les visages » sont remarquables. Bon, il a le même âge que moi et j’ai eu vaguement l’envie très cordiale de lui mettre trois balles dans la nuque tant son talent m’a exaspérée. Mais passé ce moment d’égarement, j’ai convenu avec moi-même de lui laisser la vie sauve pour avoir le bonheur de le lire à nouveau. Sinon, côté classiques, j’admire des auteurs comme Faulkner, John Kennedy Toole et Céline. Faulkner est vraiment la référence ultime pour moi. Avec le flux de conscience, il a inventé cette forme d’écriture inouïe qui se sert juste de la perception d’une émotion pour dicter à un personnage son discours intérieur. Le monologue de Benji dans « Le bruit et la fureur » a été une découverte littéraire majeure pour moi et ne cesse encore de me hanter lorsque je tente, à ma toute petite échelle, de reproduire l’effet d’un ressenti sur l’un de mes personnages. Enfin, j’ai été dans une autre vie étudiante en littérature africaine et je nourris un amour sans borne pour des auteurs comme Hampâté Bâ, Monenembo, Kourouma ou encore Sassine.



3°) As tu des rites lorsque tu écris?



Oui. Je me mets toujours en condition en écoutant de la musique. Ensuite, je m’emmitoufle dans ma couette d’écriture (C’est bien simple, en ce moment, j’ai trois couettes : une pour chouiner, une pour dormir et une pour écrire. Les trois couettes en question n’étant pas forcément localisées au même endroit… C’est super important de bien savoir répartir ses couettes chez des gens de confiance dans la vie, tu sais…) Donc je me mets en position de combat pour écrire, sous ma couette d’écriture, le portable sur les genoux, le chat effectuant, une fois de temps en temps, un vol plané dans la pièce quand il devient trop envahissant et je me sers de l’état émotionnel produit par la musique pour écrire. En ce moment, je suis dans une période plutôt classique. Chopin, Schubert, Schumann et Satie sont mes compagnons d’écriture du moment. Il y a pire, je crois, comme potes de chambrée. Pour « Les Chroniques d’une pieuvre », en revanche, j’ai écouté en boucle Alain Bashung, Rufus Wainwright, les Tindersticks, Les Clashs, Nina Simone ou encore Bowie. Ils m’ont transportée et accompagnée jusqu’à la fin du bouquin. La musique est indissociable de mon écriture, de ma façon d’être, de ma vie.



4°) Tu arrives à mêler l’ironie, la tristesse et la sensualité avec brio dans tes écrits. Est ce que l’écriture est pour toi automatique ou le fruit d’un long travail ?



L’écriture est, pour moi, avant tout le fruit d’un long travail. J’écris un premier jet sous un afflux d’émotions (allégresse, tristesse etc…) et ensuite je les ciselle jusqu’à obtenir l’effet voulu. J’ai fait de la sculpture pendant quelques temps et je reproduis exactement la même chose en écriture. Je travaille une première forme qui me parle, puis je la peaufine et gomme les aspérités pendant des heures, des semaines, voire des mois. Ce sont les finitions. Je n’atteins jamais la perfection, c’est impossible. Mais au moment où je me sépare de mon livre et qu’il ne m’appartient plus, j’ai moins peur de la réaction de l’autre, parce que j’ai fait tout mon possible pour lui rendre un travail de la meilleure facture qui soit, à mes yeux.



5°) Tu partages tes écrits sur la toile à travers ton blog (http://tentaculture.typepad.com/). Quel regard porte la jeune auteure que tu es sur les nouveaux supports de communication des auteurs pour se faire connaître (blog, réseaux sociaux, …) ?



Effectivement, je tiens un blog et me sers de Facebook et de Twitter pour diffuser mes textes depuis mon site. Je trouve que ce sont des outils de communication indispensables pour mener à bien sa diffusion, surtout lorsque l’on est en auto-publication, comme c’est mon cas. Et puis, la plupart du temps, les réseaux sociaux sont des accélérateurs de particules qui vous amènent à rencontrer rapidement des lecteurs en chair et en os. Mais je ne vais pas forcément chercher à vendre mes livres à quelqu’un. Je vais toujours, dans un premier temps, l’inviter à aller voir mon travail, afin qu’il se fasse une première idée. Et si ce qu’il a entrevu lui a plu, alors il peut aller commander mon bouquin. Les réseaux sociaux sont donc, pour moi, une mise en bouche progressive de mon lecteur. Si ce qu’il pioche dans le menu lui convient alors il peut aller jusqu’au dessert. Mais cela reste son choix.



6°) Quels sont tes projets d’écriture ? Est ce que la confidentialité est de rigueur ou peux-tu nous les évoquer?



Actuellement, j’écris mon second roman qui s’appelle « L’agrément ». Il raconte la journée peu ordinaire d’une inspectrice du travail qui va rendre visite à une association chargée d’insérer professionnellement des gens en très grande difficulté psychologique. Et ce voyage dans la vie peu banale de personnes qui doivent apprendre à gérer quotidiennement leur folie va lui en apprendre beaucoup plus long sur elle-même que toutes les thérapies au monde.


Avec Martine PAGES et Laure MEZARIGUE, nous nous sommes lancés dans l'aventure magnifique du twinome! C'est pour celà que je vous invite à découvrir l'entretien réalisé de Martine PAGES également en suivant ce lien!
http://clementchatain.blogspot.com/search/label/Martine%20PAGES

Merci à vous tous de nous suivre dans cette belle histoire!


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