samedi 11 septembre 2010

Apocalypse bébé de Virginie DESPENTES

« Je prendrais les frais en charge. Nous ferons un avenant au contrat original. J’offre une prime de cinq mille euros si vous la ramenez en quinze jours. En contrepartie, si vous n’obtenez aucun résultat, je vous ferai vivre l’enfer sur terre. Nous avons des relations et j’imagine qu’une agence comme la vôtre n’a aucune envie de subir toute une série de contrôles…désagréables. Sans parler de la mauvaise publicité. » Nous sommes au début du livre et déjà quelques thèmes apparaissent : argent, relation, enquête mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin…

Une histoire simple
Lucie détective spécialisée dans la surveillance de mineurs fait ce boulot depuis une dizaine d’années sans réellement s’y intéresser. Elle gagne sa vie correctement mais sans augmentation de salaire et la crise de la trentaine aidant, elle réfléchit souvent à sa condition humaine. Au cours d’une filature, elle va perdre la trace de Valentine. Valentine, adolescente de son époque, avec un père écrivain, une grand-mère envahissante et une belle mère qu’elle n’apprécie pas beaucoup, va entraîner Lucie dans une sorte de nouvelle vie. En effet, peu habituée à traiter des affaires de fugue et elle-même détective par défaut et sans grand intéressement à son métier, elle va faire appel à la Hyène, femme d’expérience et de réseau qui va lui faire découvrir un autre visage de la société. Elles vont de Paris à Barcelone partir à la recherche de cette adolescente.
« Depuis que je travaille ici, j’enrage d’être cantonnée à la surveillance des adolescents. Aucun gamin ne peut fumer un joint tranquille sans que je lui colle personnellement au cul. »


Une société en sursis
Virginie Despentes nous décrit une société en sursis. Derrière chaque mot, chaque passage, nous ne ressentons qu’une profonde tristesse que nous percevons dans le regard d’une femme sans concession. Les lesbiennes, les catholiques, les femmes avides d’argent, les hommes de pouvoir ou qui pensent en avoir, le milieu de la littérature et celui des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, les catholiques, les musulmans, les adolescents, l’extrême gauche, le milieu médical…chacun en prendra pour son compte. Nous sentons une grande tristesse de notre société contemporaine et la fin ne sera qu’une illustration du titre de ce livre.

« Il avait honte rétrospectivement, de ne pas avoir anticipé ce que deviendrait le livre, une industrie un peu plus bête qu’une autre. Vieille rombière outragée, minaudant dans des robes en lambeaux. Ardisson Canal+Inrocks,. Des ennemis dont on n’avait pas saisi le pouvoir de nuisance. Ni de droite, ni de gauche. Ni classiques, ni modernes. Des gens de télé. Bien de leur époque. Des pitcheurs, avides de chair fraîche, gourmands d’audience»


Un style et un point de vue en suspens
Le style Virginie Despentes ? Je n’ai pas lu son célèbre Baise moi qui avait fait sensation il y a quelques années et je commence ainsi mon premier Despentes avec ce livre. Un style auquel je m’attendais au fond. Aucune surprise et je pense que les habitués de l’auteure ne seront pas très étonnés également. Le style de l’ouvrage correspond à celui de l’auteure que l’on voit sur les plateaux télévisés. Même si cela serait bien réducteur de limiter l’auteure à son livre et vice versa…

Les mots sont parfois crus et des phrases assassines parcourent le livre. Les descriptions nous permettent de bien rentrer dans la peau des personnages mais parfois nous nous retrouvons dans de nombreuses longueurs où le lecteur peu attentif risque de se perdre. Pourtant, c’est bien dans ses nombreuses descriptions que le style DESPENTES éclate avec un attachement particulier à s’attarder sur la vision horrible de la société dans laquelle nous vivons.
Au sujet des français en vacances en Russie, Roumanie ou Thaïlande « Les français ont besoin de voir des pauvres qui ne les insultent pas. Ils savent qu’ils montent dans un bus blindé pour s’extasier sur les conditions de vie des pauvres dans leurs banlieues, ils vont se faire brûler le bus. Cà les met dans la détresse : toute cette pauvreté sur laquelle ils pourraient s’attendrir, lâcher une petite pièce et donner leurs vieilles fringues. Mais ces pauvres là sont méchants. Ca complique les choses, pour la charité chrétienne. »

Je ne peux pas terminer cette chronique sur un site regroupant des passionnés de littérature sans cette citation… « Fréquenter les artistes, elle s’en passe volontiers. Les sportifs, les politiques, çà peut l’impressionner. Mais artiste…toujours une imposture. En tête de sa liste du pire, sans hésitation, elle placerait les écrivains. Elle connait, elle a donné. Ce qui est offert d’une main aimable est reprise au centuple de l’autre, la main rapace, fouilleuse et sans scrupules. La main qui écrit, celle qui trahit, épingle et crucifie. »

Aucun commentaire: